Le couloir feutré qui mène à la boutique atténue les bruits de la rue et le miroitement des lustres empruntés à Gulliver et dessinés par Philippe Starck et nous entraîne dans la féerie de la nitescence. Il faut commencer par la boutique pour rendre une visite à la plus célèbre référence de la maison, le verre Harcourt à côtes plates, créé en 1841, un modèle du genre copié et recopié. Posés sur une table-miroir longue de quatorze mètres, des verres de toutes tailles voisinent avec des carafes. Fragiles soldats montant la garde, ils rythment le passage d’une collection à l’autre : Epicure, Onde, Mille Nuits, Massena, Tranquility etc. Les décors dorés soulignent avec finesse la limpidité du cristal. Légèreté, délicatesse, transparence et fragilité sont si présents que l’on ose à peine respirer, on murmure de peur de briser la magie. Une carafe à orangeade d’esprit girafe nous rappelle que dans les années 70, tout était rond.
Les créations d’hier côtoient celles d’aujourd’hui. Celles de Kenzo Takada styliste zen et mondialiste avant l’heure qui a dessiné une série de vases carrés, soulignés, tradition japonaise oblige, de motifs représentant les quatre saisons herbe folle, cerisiers en fleurs ou paysage neigeux gravés à l’or fin. De parfaits réceptacles où l’eau se transforme en matière et se confond avec le cristal. Depuis l’installation dans la maison de Marie Laure de Noailles, les bijoux font désormais partie des collections Baccarat. Là aussi, le verre fait merveille. Les colliers se nomment Eclipse ou Cascade selon qu’ils représentent la lune ou des gouttes d’eau suspendue sur trois rangs. Une croix couleur cardinale plairait sans nul doute à Madonna. Des bagues boules de cristal, rondes et mystérieuses qui dissimulent de la poudre de diamant. Pour les joueuses des liens de caoutchouc ornés de dés en cristal. Un dernier regard dans les faces à main, dessinés par Philippe Stark en 2003 :
« Miroir mon beau miroir, suis-je la plus belle … ? »