Nouveaux « Horizons » d’Udo Zembock au MusVerre. Un voyage des sélénites à l’île perdue.

A visiter autant pour la beauté de ses collections que pour celle de son étonnante architecture, le Musée du Verre (MusVerre) construit à la sortie d’un village du Nord mérite sans aucun doute le détour. Ciel recouvert d’un voile gris perle et brouillard, épais. Les panneaux routiers qui surgissent de l’ombre Tourcoing …

Valenciennes, Cambrai, Maubeuge évoquent le refrain d’une chanson des années 60 : Tout ça ne vaut pas …. Abondance de ressources forestières, présence d’eau et de sable, c’est en traversant les paysages brumeux qui mène de Lille à la région Avesnoise que l’on comprend le lien qui unit ce territoire à l’histoire du verre. A la sortie d’un bourg au nom étrange on aperçoit au milieu de la campagne un bâtiment gris bleu « qui devient noir quand il pleut et prend des teintes rosées quand il fait beau » souligne la conservatrice en chef, et « à la présence silencieuse » selon l’architecte qui l’a imaginé. C’est grâce à la volonté d’un homme, curé de ce village, que l’histoire d’une des nombreuses verreries de la région n’a pas totalement disparu. Nous sommes en 1950 et l’évêché décide d’envoyer au vert selon une blague locale le Père Louis Mériaux un « rouge » un brin agitateur. Ce sera Sars-Poteries. C’est au cours de visites à ses ouailles que Louis remarque de magnifiques objets chez chacun des habitants du bourg. Intrigué il pose des questions aux villageois ? Ce sont des bousillés répondent-ils.

Le MusVerre présente la revanche des encriers.

Des objets fabriqués en dehors de heures de travail par les verriers pour leurs familles. Plats à gaufrette, flacons, objets religieux, palets de verre appelés glettes pour jouer à la marelle. Et plus étonnant encore des encriers dits « encriers-revanche ». Objets purement décoratifs destinés à se moquer des patrons intellectuels et à valoriser la dextérité technique des ouvriers verriers capables de reproduire l’encre à partir de verre de couleur. Emerveillé par la beauté de ces objets oubliés, Louis Mériaux décide d’organiser une exposition pour les montrer au public. Elle aura lieu en 1967 dans l’ancienne maison des patrons de la verrerie, le Château Imbert et accueillera 15000 visiteurs. L’évêché rachète le lieu et le curé ouvre un petit musée. En 1982 ce curé sans qui rien ne serait arrivé organise le premier symposium du verre qui réuni des artistes du monde entier et relance l’intérêt des instances culturelles pour ce matériau un peu ringard aux yeux de certains. En 1984 a lieu le premier colloque Verre & Architecture. Et grâce aux dons des artistes naît la première collection de verre contemporain. C’est en 1994 que la région du Nord commence à s’intéresser au sujet et propose à des artistes contemporains de venir travailler sur place. En 2012 Raphaël Voinchet gagne le concours d’architecte pour la création du nouveau musée et le Musverre dans sa version actuelle est inauguré en 2016. Pépite architecturale parfaitement intégré dans son environnement. Le bâtiment à lui seul mérite une visite. Un vaste atrium de 800 m2 accueille les visiteurs et un espace nouvellement installé présente les dernières acquisitions. Les tubes de verre fumé de Laura de Santillana retiennent immédiatement l’attention. Force et fragilité se répondent et la couleur se teinte de mystère. On imagine le voyage singulier d’une bouteille jetée à la mer ou la toile tendue d’un cinéma en plein air. Carol Milne reproduit à l’identique le début d’un tricot prometteur. Et L’artiste japonaise Masayo Odahashi modernise la mélange pâte de verre et émail.

Lumière centrale

Bâtiment sans fenêtres au MusVerre celles ci sont remplacés par des vitres fixes qui dans chaque espace découpent le paysage comme d’extraordinaires cartes postales panoramiques. La partie patrimoniale est mise en valeur dans des vitrines qui surgissent du mur et donnent l’impression que les « bousillés » flottent dans l’espace. Les grandes œuvres contemporaines sont exposés sur de grands socles blancs quasi à même le sol et pour les pièces plus petites dans des alcôves qui bordent la grande salle. Les espaces d’exposition 1000m2 s’imbriquent parfaitement les uns dans les autres avec une grande harmonie. La circulation est fluide et organique. Il confère au MusVerre un sentiment de sérénité qui laissent pleinement place aux œuvres. Un dernier espace accueille les expositions temporaires. Jusqu’au 28 septembre le musée présente les œuvres d’Udo Zembok artiste d’origine allemande qui vit et travaille en France. Horizons des pièces récentes composées de couches de verres concaves forment des perspectives de mer, de désert et de soleil couchant. On pense à Rothko et à Nicolas de Staël, L’artiste évoque quant à lui Barnett Newman et Clyfford Still. Des œuvres au centre desquelles se dévoile une lumière qui se déplace en même temps que le spectateur. Effet d’optique dans lequel naît la chaleur des paysages. Sur le mur d’en face, des représentations plus anciennes laissent apparaître des sites lunaires. Le format carré, plus contraint, offre un support à des visions sélénites. L’horizontalité se transforme en profondeur. On est « aspiré » par les teintes sombres comme emporté vers l’intérieur. En plissant les yeux on aperçoit « l’île perdue » qui semble se cacher à la jonction des pigments. Un regard qui fait écho à notre voyage intérieur. Dès septembre « Fusion » un œuvre monumentale D’Udo Zembok sera visible à l’extérieur du musée. Monolithe vertical et immense signalétique teintée de rouge et qui rappelle que les pièces du MusVerre sont une magnifique alchimie entre l’eau et le feu.

MUSVERRE
76 rue du Général-de-Gaulle
59216 Sars-Poteries
03 59 73 16 16
[email protected]
http://musverre.lenord.fr

Laurence Mamy

Crédits photos :  @Paul Louis @Philippe Robin

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