L’égoïsme joue les vedettes et les objets sont désormais des pièces uniques. Des bouteilles soufflées à la bouche voisinent avec des papillons réalisés dans de vieilles cartes de géographie qui évoquent des destinations lointaines. Les animaux s’affichent sur tout, et les promeneurs sont victimes d’un drôle de syndrome : « l’Armanite » (Arman artiste contemporain, pape de l’accumulation). Les chineurs du dimanche rendent hommage à Présence Panchounette, un groupe d’artistes bordelais, qui a donné ses lettres de noblesse au kitsch, et s’obligent à collectionner de drôles de poissons qui s’éclairent de l’intérieur. Pour respecter la nature mise à mal par la pollution, les nouveaux écolos utilisent des brosses de toutes sortes pour nettoyer les légumes, laver le linge, lustrer les chaussures ou faire la vaisselle.
L’héritage et la consommation font bon ménage. Plus question de se servir de nos produits ménagers, Mini Mir, Ajax, Omo, Vigor, etc. On garde tout. Et on les range soigneusement pour les transmettre à nos arrières-petits-enfants. Les aventuriers contemporains inventent des nouveaux cabinets de curiosité, où des bébés crocodiles empaillés murmurent des chants mystérieux à l’oreille de perruches bleues perchées sur des coraux fantasques qui se tortillent pour échapper aux prédateurs. Pendant que d’autres flibustiers peignent la barbe faite en sachets de thé de têtes réduites fabriquées en tressages de plastique. Dark Vador est désormais une statue Vaudou et l’Ile de Pâques devient la destination préférée des touristes.
Les bourgeoises de Nîmes mélangent avec grâce le design suédois des années 50 et les meubles en carton. Dans la cuisine, des artistes amateurs éclaboussent de tâches de couleurs les assises des tabourets. Dans le salon, le bois brut sert de pieds de lampe à des abats jours XXL en forme de cocons qui diffusent une lumière douce destinée à flatter le teint. Le cristal qui s’ennuie décide de se mélanger à la porcelaine et la commode Louis XV, jalouse, joue, elle aussi, l’air de la transformation en acceptant de s’acoquiner avec un meuble contemporain. Les chaises et les fauteuils, de plus en plus coquins, s’accouplent.
En fin de journée, pas question de s’avachir, une deux, une deux … Il faut absolument s’entretenir, la forme devient une sorte de dictature. Les anneaux, le trapèze et le vélo envahissent le salon. Les tapis s’offrent une cure industrielle et la laine bouclette est remplacée par des chambres à air. Les sportifs en chambre jouent au tennis dans un canapé fabriqué dans un filet et rêve de partie de base-ball dans un fauteuil de balles. Les belles sportives réajustent leur jogging dans un miroir rétroviseur et les canapés prennent des allures de meuble de rangement. A la fois multi-poches et cocon rassurant pour des trentenaires épuisés par la crise qui organisent leur avenir dans la position du Lotus.
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