Page précédente
Mais le magasin fait immédiatement scandale. Les vendeurs effleurent les mains des femmes sous prétexte de les aider à mettre des gants ou à nouer un ruban dans leurs cheveux, shocking ! L’Eglise prend parti, gratifiant les paroissiennes de sermons tonitruants sur les démons de cette nouvelle consommation. Boucicaut coupe court aux polémiques et décide d’engager des femmes. Ce sera le règne des demoiselles de magasins, personnages indissociables de l’histoire du Bon Marché. « C’est une personne élégante à la robe strictement ajustée, à la coiffure impeccable, soignant ses ongles et son langage ». Ce nouveau métier permet à de nombreuses jeunes femmes d’échapper à la prostitution très courante à l’époque. Elles travaillent treize heures par jour toujours debout et ce qui semble être de l’exploitation est en fait la première manifestation de la libération des femmes. Aristide Boucicaut ne cesse d’innover, il institue la vente par correspondance et envoi cinq cent mille catalogues avec échantillons de tissus. Cent cinquante employées découpent et préparent ces feuilles d’échantillons qui permettent aux clientes les plus difficiles de faire leur choix parmi les coloris, qui portent des noms évocateurs tels que « puce rêveuse » ou « crapaud amoureux ». Les lundis quatre mille commandes arrivent au Bon Marché et à condition d’habiter à une distance qui permet à un cheval de parcourir celle-ci à pied en une journée, les marchandises sont livrées à domicile. Le commerce moderne naît sous l’impulsion de Boucicaut. Pour faire revenir les clientes après les fêtes de Noël, il institue le mois du blanc et présente draps, serviettes et nappes damassées dans des décors féériques comme la reconstitution de la banquise au Pôle Nord. Concepteur du grand magasin, Aristide Boucicaut a libéré les femmes, considéré à l’époque comme des êtres irrationnels, frivoles et faibles aux cheveux longs et aux idées courtes. Il a inventé la parisienne que le monde entier essaie encore aujourd’hui d’imiter.
Laisser un commentaire