Obsédé par la manche parfaite, perfectionniste dans l’âme, travailleur acharné, fuyant les mondanités, Balenciaga a dessiné des vêtements intemporels, d’une étonnante modernité. Architecte de la couture, Cristobal Balenciaga pourrait être à la fois, le père de Jean Charles de Castelbajac et celui de Martin Margiela. Avec le premier, Ils ont en commun un amour de la géométrie, de la sobriété des lignes et un sens de la coupe. Avec le second, il partage le goût du secret et l’amour de leur métier qu’ils préfèrent à toutes formes de reconnaissance.
Balenciaga naît en 1895 à Guetaria au pays basque espagnol. À 23 ans, il ouvre une première maison de couture à San Sébastian puis deux autres, l’une à Barcelone et l’autre à Madrid. Il apprend son métier en parfait autodidacte. Méthodique, il vient à Paris pour acheter des modèles chez les plus grands couturiers tels que Madeleine Vionnet ou Schiaparelli et étudie la construction de leurs vêtements. Il décortique minutieusement la structure de chaque modèle à la recherche de leur secret. En 1937, il fuit la guerre d’Espagne et ouvre une maison de couture en Paris. 15 heures c’est l’heure du défilé quotidien dans les salons du 10 avenue Georges V. Ils ont lieu de février à mai pour la collection d’été et du mois d’août au mois de novembre pour les collections d’hiver. Chaque mannequin se présente un carton à la main et glisse en silence, elle tourne, se montre et repart. Pas de musique tapageuse et assourdissante, pas de lumière écrasante, pas de flash. Le silence, rien que le silence et le toussotement discret des clientes, trente personnes, pas plus, réparties sur des canapés de cuir blanc, qui s’efforcent de ne pas briser la magie du moment.
Balenciaga choisit ses mannequins personnellement. Elles sont toutes très différentes et reflètent la cliente diversifiée à laquelle il s’adresse. Il a pourtant une prédilection pour Colette. D’une extrême minceur, ses épaules et ses hanches sont larges et osseuses et son dos légèrement voûté. Il en ne faut jamais regarder la cliente, il faut regarder au-dessus de sa tête, leur disait-il, ne pas sourire, surtout avoir l’air hautaine. Telle une femme élégante, il faut se montrer lointaine, distinguée, intouchable. Les clientes attentives notent sur un calepin les modèles choisis. Le maître fait régner dans sa maison de couture une ambiance de travail où le silence domine tout : Il y avait en lui une noblesse, quelque chose d’intimidant de sévère mais en même temps d’extrêmement bon, c’était ce mélange qu’il dégageait. Surnommé le moine de la couture par la journaliste Carmel Snow, Cristobal Balenciaga déteste les mondanités et la presse, qu’il fuit comme la peste, aussi souvent qu’il peut. Il aime avant tout le travail. Il arrive tous les matins vers 9 heures et repart le soir vers 19 heures, s’octroyant une pause déjeuner et une courte sieste.