Parfums et matières premières

Pour concocter leurs précieuses essences, les parfumeurs n’ont longtemps eu à leur disposition que les matières premières animales et végétales, ces dernières occupant d’ailleurs toujours une place centrale. De fait, toutes les parties de la plante, de la racine au bourgeon en passant par les feuilles, les fleurs ou les tiges, sont exploitées en « notes » de tête, cœur ou fond, ces « notes » variant selon l’espèce végétale. Mais depuis les années 50, les coûts de fabrication des essences végétales, les quantités de fleurs nécessaires et les difficultés éventuelles d’approvisionnement (conditions climatiques, économiques…) ont rendu obligatoire le recours aux molécules de synthèse. De même pour les matières premières animales (composées en fait de différentes sécrétions produites par les animaux): même si elles n’ont pas été interdites, elles ne sont plus utilisées aujourd’hui depuis l’apparition de leur équivalent en molécules de synthèse, pour des raisons évidentes de protection des animaux. Fort prisées pendant des siècles, on en comptait quatre : civette, castoréum, ambre et musc. Seul reste l’emploi des noms dans le vocabulaire usuel de la parfumerie : les notes dites musquées, la famille des parfums dite ambrée…

Jusqu’en 1880 environ, l’orgue des parfumeurs n’était composé que d’une centaine d’essences. L’apport de la chimie organique va s’avérer décisif : la découverte de nombreuses molécules de synthèse va  donner naissance à la parfumerie « alcoolique moderne » , initiée par Louis Roure en 1870. Elle permet aux parfumeurs de se diversifier et de composer presque à l’infini des nouvelles senteurs. Aujourd’hui, les créateurs travaillent ainsi avec 400 matières premières d’origine naturelle… et environ 4 000 molécules de synthèse. Une richesse pléthorique qui oblige les parfumeurs à classer les fragrances et qui a suscité l’intérêt des neurobiologistes. Les nez se basent à la fois sur leur odorat et leur apprentissage pour ranger les matières premières en « familles olfactives ».  L’émergence des neurosciences pendant la seconde moitié du XXème siècle a permis d’approfondir les études portant sur l’odorat, la perception et la classification des odeurs par l’homme. Elles commencent à suggérer une classification par groupes d’individus (à l’instar des groupes sanguins par exemple), plus que par l’origine des matières premières.

Les matières premières végétales :
– les fleurs : rose, jasmin, tubéreuse, ylang-ylang ;
– les tiges et les feuilles : géranium, patchouli ;
– les fruits : anis, noix de muscade ;
– les graines : fève tonka, cardamome, badiane ;
– les écorces de fruit : orange, citron, bergamote ;
– les racines : iris, vétiver ;
– les bois : santal, cèdre ;
– les herbes aromatiques : romarin, sauge, thym ;
– les épines et les rameaux : épicéa, pin, cyprès ;
– les résines et les baumes : galbanum, myrrhe, benjoin ;
– les écorces : cannelle, bouleau ;
– les mousses : chêne.

Les matières premières animales :
– issue d’un petit mammifère éponyme vivant en Éthiopie, la civette (pâte molle, beige ou brune, à l’odeur très forte, récupérée par curetage) s’accumule chez la femelle dans une poche située entre l’anus et les organes génitaux ;
– secrété par le castor du Canada et de Sibérie, le castoréum, une matière odorante huileuse et lustrante qui permet à l’animal de graisser son poil, provient de glandes placées entre l’anus et les glandes génitales chez le mâle et la femelle ;
– concrétion intestinale rejetée par le cachalot, que l’on utilise après 2 ou 3 ans de séchage, l’ambre gris flotte à la surface des mers de Madagascar, des Indes ou près des côtes de Chine ;
– enfin, le musc est la sécrétion odorante d’une glande abdominale du chevrotin mâle, située sous la peau du ventre de l’animal, entre l’ombilic et les organes sexuels. Le musc est fabriqué par le chevrotin mâle du Tibet pour attirer les femelles.
Ces matières étaient utilisées en notes de fond. Elles ont été remplacées par leurs équivalents synthétiques.

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